Eugenie Dossa Quenum est une Ingénieur-Biologiste de formation, psychologue et chercheure indépendante en sciences politique et sociale. Aujourd’hui, elle s’illustre par sa production littéraire. Au détour de cette interview exclusive, Eugenie nous parle de son parcours, de ses combats et sa production littéraire. Une production aussi riche que variée avec des thèmes intéressants et importants les uns que les autres.
Djarobi : Qui est Eugénie Dossa-Quenum ?
Eugenie Dossa-Quenum : Eugénie est une petite fille béninoise qui, précocement habile dans le commerce a aidé sa mère à vendre dans le marché de Dantokpa à Cotonou jusqu’à l’âge de huit ans avant d’être scolarisée car sa mère élevait seule ses quatre enfants. Dans une famille monoparentale.
Cependant son désir le plus ardent était d’être scolarisée comme la plupart des enfants qu’elle voyait dans son environnement. Puis, elle fit un deal avec sa maman, celui de continuer à l’aider au marché si elle m’inscrivait à l’école.
Alors, dès que j’avais mis les pieds dans une salle de classe, je m’étais fait la promesse d’aller le plus loin possible. Malheureusement je n’avais pas eu suffisamment de temps pour étudier mes leçons et faire mes devoirs. Résultats, arrivée au CM2, à l’examen du CEPE, je n’eus que 10/20, une note pas suffisante pour obtenir la Bourse d’étude pour la classe de 6éme et la suite.
Ma mère, sur mon insistance fut obligée de me payer les classes de 6éme et de 5éme. Puis elle me prévint que je devrais me présenter au concours d’entrée en 4éme afin d’obtenir la bourse d’étude pour la suite de mes études. Je me présentai effectivement à ce concours où 400 élèves furent admis sur toute l’étendue du territoire et je fus la seule fille admise cette année-là.
Puis je pris mon envole jusqu’au Bac, et aux diplômes divers. Aujourd’hui, Ingénieur-Biologiste et Psychologue Interculturelle, je suis également Chercheuse Indépendante en Sciences Politique et Sociale, Conférencière et Ecrivaine.
D : Le premier bébé littéraire d’Eugénie date de quelle année et quel est le thème central de cet ouvrage ?
E. D. Q: Mon premier livre intitulé « Geny petit ange sorcier du Bénin » date de 2010 et c’est le premier tome de mon autobiographie. Il retrace les difficultés et les obstacles que rencontrent des enfants, en général, les filles en particulier pour la scolarisation dans certains pays de l’Afrique, et aussi au Bénin.
D : Quel accueil lui a été réservé par les lecteurs ?
E.D.Q : Présenté à sa sortie à l’UNESCO à Paris par son excellence feu Monsieur Yaï Olabiyi Joseph Ambassadeur du Bénin à l’UNESCO devant un parterre d’Ambassadeurs aussi bien francophones qu’anglophones en plus du public de lecteurs parisiens, ce livre a été retenu pour être traduit dans plusieurs langues pour une large diffusion. Malheureusement, le budget de cette institution amputé par sanction par les Etats Unis et autres pays pour avoir admis la Palestine au sein de l’UNESCO n’a pas permis la réalisation de ce projet.
D : Cet ouvrage a eu un écho favorable en Afrique et aussi en Asie. Parlez-nous-en
E.D.Q : « Geny petit ange sorcier du Bénin » a néanmoins été racheté pour être traduit en Chinois par des autorités chinoises selon des arrangements avec mon éditeur Français qui m’a privée du partage des retombés de mon succès. Et reconnu d’intérêt public, pour ce qu’il apporte aux jeunesses du monde, j’ai fait une demande d’introduction au programme scolaire au Bénin mon pays. Depuis 2011, les rejets successifs de ma demande ont fini par me décourager. Pourtant, selon certaines autorités littéraires et de l’enseignement, je suis reconnue comme l’une des meilleures plumes du Bénin aussi bien pour la forme que pour le fond depuis la parution de « Geny… ». Ceci pour la pertinence des sujets que je traite. J’ai même reçu les félicitations d’un président des inspecteurs qui m’a avoué avoir puisé dans « Geny.. » pour mettre en lumière, certains aspects très bien réussis de formulation et de syntaxe.
J’ai reçu des conseils pour parvenir à faire retenir mon livre au programme : « Payer 200.000 FCFA à chacun de ceux qui doivent l’étudier, par exemple ; ou alors payer un étudiant qui devrait en faire son sujet de thèse ; ou encore passer par un appui qui s’en chargerait etc. Ce que je n’ai pas voulu faire.
Epuisée de voir mon livre rejeté malgré son importance pour notre jeunesse, j’ai commencé la même démarche de demande d’introduction au programme scolaire en direction de deux pays depuis 2020. Le Togo et le Sénégal. Ce dernier après étude du livre par les inspecteurs de l’enseignement secondaire, m’ont demandé de faire quelques retouches au titre et à certains passages de « Gény » Et puis « Geny petit ange sorcier du Bénin » est devenu « Geny petite fille du Bénin ». Il a été réédité à Dakar en 2022 et est entré au programme depuis. Cette même démarche est en cours au Togo.
A sa présentation à Madagascar en 2012, trois Ministres étaient présents : Le Ministre de l’Education Nationale, son prédécesseur ainsi que le Ministre de la culture des mains desquelles j’ai reçu un trophée et un autre cadeau. Ici aussi les mêmes formalités trainent. Le Ministre de l’Enseignement Secondaire et Technique qui m’a reçue m’a expliqué que « Son pays attend d’abord l’accord de la France avant l’admission de « Geny.. » au programme. Je lui ai répondu que je croyais que Madagascar était indépendant. Gêné, il a dit « Ainsi vont les choses » !
D : Le succès de ce premier ouvrage a été le tremplin pour d’autres ouvrages avec des succès éclatants. Quels sont ces derniers ?
E.D.Q : « Fabuleux destin de Geny » est le deuxième tome de mon autobiographie. Réédité plusieurs fois, il est actuellement encore en rupture de stock. Suivi de « Les Comètes de SÔ-AVA », de « Sur les traces d’Esope, contes du Bénin et d’Afrique » etc.
D : Vous abordez les sujets de société sous différents angles. C’est quoi le thème central de « Les Comètes de SÔ-AVA et qui a connu successivement des différentes éditions et pourquoi ?
E. D. Q: Je suis chercheuse en Sciences Politique et Sociale. J’observe également beaucoup dans les espaces de vie que je traverse. Les problèmes de la non scolarisation des filles, de leur déscolarisation, de leur mariage et de leurs grosses précoces constituent un fléau qui retarde le développement de nos pays en Afrique en général, et du Bénin en particulier.
Membre de la direction de l’Association Pour la Protection de l’Enfance et de la Famille « APEF -VINAGNON » dont Mme Paula ADJOVI-AYANOU est la présidente, nous avons entrepris d’aider à résoudre un peu ce problème des filles. Nous avons donc commandé une étude statistique sur les régions les plus touchées pas ce phénomène dans notre pays le Bénin. SÔ-AVA dans le Sud et une autre localité dans le Nord sont sorties avec les résultats les plus désastreux. Nous avons retenu de démarrer notre action par SÔ-AVA.
Cette Ile partie du groupe de Ganvié, de SÔ-Chanhoué, Aguégué etc, est séparée de l’école des élèves sur terre ferme par le fleuve SÔ. Ces élèves le traversent deux fois par jour en pirogue avec la probabilité de noyage augmentée en temps de crue. Mais la particularité de ces villages lacustres réside dans les traditions locales qui réservent les fillettes au mariage dès l’âge de 10 à 12 ans. Celles qui ont la chance d’être scolarisées ne sont pas très nombreuses et l’effectif féminin de la rentrée en septembre se trouve drastiquement amputé lors de la rentrée après les congés de Noel. Les fillettes subissent des attouchements et parfois sont entrainées dans les buissons et ces petits jeux finissent par une grossesse précoce qui interrompt la scolarité des filles victimes de ce phénomène.
Alors notre association a retenu comme projet la construction d’un internat pilote de 50 filles à SÔ-AVA. Le succès des résultats de notre projet nous encouragerait à le développer vers d’autres Iles de la région.
Nous en étions là lorsqu’en 2015, trois des filles persévérantes qui ont refusé le mariage précoce et choisi les études, ont jusqu’au BAC et l’ont eu. C’est en allant voir leurs résultats au centre des examens de Abomey-Calavi que leur embarcation a chaviré et les filles sont mortes noyées toutes les trois. Je les ai surnommées « Les Comètes » car elles sont nées, ont brillé puis ont disparu. On en voit l’image d’illustration sur la couverture du livre que je leur ai dédié.
Représentante de la « Ligue Internationale de Femmes pour la Paix et la Liberté » à l’UNESCO, mes amis sensibilisés par mon projet de construction d’un internat se sont mobilisés pour le financement de ce projet. Seulement, il fallait que l’UNESCO-BENIN certifie que SÔ-AVA est bien au Bénin et consigne mes documents. Malheureusement, les représentations à Pais et à Porto-Novo ont joué au ping-pong en se renvoyant la balle de la signature jusqu’au-delà de la date limite.
Endurante, je remis le dossier de mon projet dans le circuit suffisamment tôt pour éviter les manœuvres de l’année précédente. Malgré cette anticipation, les représentants de nos institutions ont recommencé le même jeu de blocage. C’est à l’émissaire que j’ai dépêché pour aller voir les raisons du blocage que les responsables de l’UNESCO Porto-Novo ont déclaré « Eugénie est déjà rassasiée, que cherche-t-elle encore ? ». Le jeu étant devenu limpide, j’ai décidé d’abandonner et de financer le projet par la vente de mon livre « Les Comètes de SÔ-AVA »
Puis, j’ai entamé en 2020 la même démarche pour son introduction au programme scolaire au Sénégal. Les inspecteurs m’ont demandé de réécrire le livre en développant certains points jugés évidents pour les populations béninoises mais pas assez compréhensible pour celles sénégalaises. Ce fut par exemple la nature de divinité de l’eau et les cérémonies organisées dans le fleuve pour les natifs des villages lacustres qui leur confèrent une protection contre la noyade….
« Les Comètes de SÔ-AVA » a donc été réédité au Sénégal et admis au programme en 2022, tout comme « Geny, petite fille du Bénin ».
Je suis invitée chaque année au Sénégal pour expliquer l’importance de la lecture aux élèves ainsi qu’aux parents d’élèves à travers des séries de conférences…
Il y a eu également « Sur les traces d’Esope, contes du Bénin et d’Afrique » qui est très bien apprécié. J’ai été conseillée de le déposer au programme. Je l’ai fait deux fois sans succès, puis j’ai compris que rien n’a changé et j’ai déposé les armes pour ne plus continuer à me battre sur ce terrain !
D : La métaphysique trouve une place de choix dans vos écrits. Peut-on en savoir plus sur l’ouvrage « Mémoire cellulaire et l’éveil des peuples » ?
E.D.Q : Le livre « Mémoire cellulaire et l’éveil des peuples » ne relève pas vraiment de métaphysique mais plutôt de Biologie, de Génétique, d’Epigénétique et de Psychologie. C’est la jonction de ces quatre domaines des sciences humaines qui a donné le résultat de cet ouvrage par ailleurs à finalité thérapeutique aussi bien pour les Afrodescendants que pour les Africains restés sur le continent, tous ayant comme point commun la réception dans leur mémoire cellulaire de la transmission des traumatismes subis par les ancêtres depuis l’esclavage jusqu’au colonialisme et au néocolonialisme actuel.
Cet ouvrage révèle comment après la victoire des envahisseurs esclavagistes arabo-musulmans puis les négriers européens les traumatismes subis par les ancêtres sont restés inscrits dans leurs cellules. La forme de rétention de ces traumas, ainsi que les mécanismes de transmissions sont abordés avec des exemples à l’appui.
La traduction des conséquences de ces souffrances à travers les comportements depuis des siècles et les évènements contemporains qui attisent ces souffrances devrait aboutir à un moment donné à un éveil par de nouveaux chocs traumatiques
Cet éveil des peuples devrait avoir à son tour comme conséquence, le basculement du monde qui a fonctionné à l’envers depuis le VII éme siècle. Lequel basculement déboucherait sur un monde multipolaire et la fin de l’hégémonie des Etats-Unis avec la dédollarisation. Le processus démarré au Mali, par son caractère irréversible devrait s’étendre comme boule de neige à d’autres pays du continent pour voir les peuples opprimés depuis des siècles relever enfin la tête pour prendre leur destin en main…Tout cela publié en 2023 et de grandes librairies ont reçu des pressions pour ne pas de diffuser.
D : « La puissance des liens invisibles et les petits secrets de la vie ». Cette œuvre parle des réalités béninoises et africaines. Peut-on en savoir plus ?
E.D.Q : Cette œuvre contient de nombreux exemples tirés du conteste béninois et africain, cependant c’est un livre puissant de développement personnel à caractère universel. Il a été traduit en Portugais au Brésil où il se diffuse très bien. Pareil au Mozambique où les Mozambicains tout comme les Brésiliens disent que la place de Madame Dossa est chez eux. Madagascar aussi a exprimé le même désir. Les Angolais me rappellent qu’ils sont juste à côté et qu’ils m’attendent !
En Europe, dans les librairies, « La puissance des liens invisibles…» se trouve dans deux rayons : développement personnel et aussi spirituel.
Ce sont les gens qui l’ont acheté qui en font la publicité. En effet, la parole a une puissance, la pensée a une puissance et le regard aussi.
Je laisse ceux qui ne l’ont pas encore lu, le lire et en juger par eux-mêmes.
Réédité deux fois en Brésilien, il l’a été également deux fois déjà en français et la troisième édition est pour bientôt.
En tant que psychologue interculturelle, mes séances de consultation sont généralement complétées par la lecture de la « Puissance .. » que je recommande. Très efficace !
D : La violence trouve une place de choix dans vos ouvrages. Que peut-on retenir de la « Problématique de la violence, héritage génétique ou épigénétique » ?
E. D. Q: Le monde qui nous entoure devient de plus en plus violent et cette violence n’épargne personne ni aucun milieu.
Les spécialistes Psychologues, Psychanalystes, Psychiatres et autres personnels de santé réunis en concertation internationale sur la question de la violence à Séville en Espagne, ont conclu que la violence est d’origine génétique donc dans nos ADN et personne n’y pourra rien. En tant que Généticienne, j’ai entrepris de démonter cette conclusion qui si elle était avérée, condamnerait l’humanité. En poussant donc plus loin encore mes recherches, j’ai trouvé utile de mettre ces résultats à la portée de toutes et de tous. La génétique est irréversible tandis que l’épigénétique est réversible ! Il a donc fallu remonter à nos ancêtres de la vallée du Nil pour décrypter à travers la vie qu’ils menaient s’il existait des traces de violence. La réponse est non ! Donc la violence a été acquise. Mais à partir de quel moment ? Sous quelle forme et quel en est le mécanisme de transmission ? C’est la démarche suivie qui m’a conduite à la conclusion de la nature épigénétique de la violence.
D : Un mot sur les Editions IDL
E.D.Q : Je préfère garder le silence pour l’instant. Merci
Je dirai simplement que mes livres se trouvent :
Au Bénin : dans les librairies suivantes
- Librairie Notre Dame à Cotonou et dans toutes les villes
- Librairie Delphina près de la Pharmacie de l’Etoile à Cotonou
- Librairie Savoir d’Afrique à Akpakpa
- Librairie Bénin livre à Porto Novo
- Librairie SONAEC à Cotonou
- Librairie Bon Pasteur à Cotonou
- Chez OMANI Pâtisserie
Au Togo :
- Librairie Pasteur à Lomé
- Librairie Source Africaine à Lomé
Au Sénégal :
- Librairie Clair Afrique à Dakar
- Librairie les quatre vents à Dakar
En France :
- Librairie MAAMAT de Zamba à la Courneuve
- Librairie Tiers Mythe à Paris
- Librairie Tamery à Paris
- Librairie Pierre Lescure à Ermont
